À son retour à la Réunion en 2015, Franck Morel se lance dans l’agriculture biologique aux côtés de son père. Il y a deux ans de cela, le Saint-Philippois commence la fabrication de son chocolat 100 % réunionnais.

Petit, Franck ne souhaite pas reprendre l’exploitation de son père. De son œil d’enfant, l’agriculture est une activité trop contraignante qui ne semble pas être faite pour lui. « Plus jeune, on était réquisitionnés pour aider papa pendant les vacances. On les passait dans les champs de bananes pendant que les copains étaient à la piscine en train de s’amuser », se remémore-t-il, sourire aux lèvres. Il décide alors de s’orienter dans le domaine du bâtiment et obtient son DUT en génie civil à Saint-Pierre, avant de s’envoler pour la Métropole. Là-bas, il enchaîne plusieurs expériences professionnelles en tant que technicien en bâtiment. « J’ai occupé plusieurs boulots super intéressants, qui m’ont fait découvrir la Métropole en long, en large et en travers », raconte-t-il. Livré à lui-même pour la première fois, cette vie d’indépendance apporte à Franck plus de maturité et le sens des responsabilités. Il déclare ; « C’était un peu le vol de l’oiseau. J’avais décidé de me débrouiller par moi-même, de A à Z ». Belle expérience pour le moins enrichissante, donc, mais le jeune homme ressent de plus en plus le manque de son île natale. « Dans les bureaux, j’ai réalisé que cela me manquait, les champs de bananes, le fait d’être à l’extérieur toute l’année, dévoile-t-il. Le côté nature me manquait beaucoup. J’ai repris toutes mes affaires et je suis rentré à la Réunion en 2015 ».

Il revient sur l’île dans l’optique de travailler avec son père, Benoît Morel, agriculteur et producteur au sein de son entreprise Bitasyon Bio du Souffleur d’Arbonne, dont le nom « Bitasyon», signifiant « l’endroit où l’on cultive » en créole, rend hommage au grand-père de Franck. « Mon grand-père disait souvent : « allons monte la bitasyon. ». C’est en sa mémoire. Les gens d’ici se retrouvent là-dedans et cela initie les touristes au créole lontan », indique-t-il. À son arrivée, Franck constate que de nombreuses choses pourraient être apportées et décide de les réaliser. Il met alors en place, entre autres, la transformation de cacao et de café, grâce à la vingtaine d’arbres plantés par son père dix ans plus tôt. De la plantation à la vente, la famille Morel s’occupe avec soin de chacun de leur produit, frais ou transformés, comme leur production de curcuma, de vanille ou de fruits rares comme le chicoo, à retrouver principalement dans leur boutique de Saint-Philippe, mais également dans tous les magasins bio de l’Île ainsi que sur les marchés. Depuis le confinement, des livraisons sont possibles en passant par Facebook, où un formulaire Google permet aux clients de confectionner eux même leur panier.

« La fabrication de chocolat est un domaine précis qui demande beaucoup de connaissances. »

Totalement autodidacte dans le domaine du chocolat, c’est en accumulant plusieurs nuits de recherches, notamment pour savoir où se fournir le bon matériel pour la transformation du cacao, que celui-ci se forme, principalement par le biais d’internet. Équipé de sa machine à meule de pierre, il fait aujourd’hui partie des rares producteurs de chocolat transformant eux même leur cacao. Le cacao utilisé par Franck provient de trois types de cacaoyers : le Forastero, un des cacaoyers les plus rependus, le Criollo, une des meilleures variétés au monde, représentant 5 % de la production mondiale et le Trinitario, croisement entre le Criollo et le Forastero. Deux gammes de chocolat sont proposées : une gamme dégustation de chocolat torréfié et une gamme de chocolat cru. Il rencontre à Paris, Frédéric Marr, un des premiers chocolatiers proposant son chocolat cru en Métropole. Déjà très tourné vers le côté santé, avec leur production de curcuma, épice aux nombreuses vertus, notamment antioxydante et anti-inflammatoire et pratiquants de l’agriculture biologique, le terme de chocolat cru parle beaucoup à Franck et son père.

« Le chocolat cru mêle l’utile à l’agréable »

« Que ton aliment soit ta seule médecine », Franck évoque cette citation d’Hippocrate, expliquant qu’il part de cette optique. Pour lui, ce que l’on mange tous les jours doit être le plus sain possible et c’est ce qu’il souhaite proposer à ses clients avec son chocolat contenant jusque 80 % de cacao. Contrairement au chocolat classique, le chocolat cru ne passe pas par l’étape de la torréfaction, qui amoindrit les vertus du cacao. Il contient trois fois plus de principes actifs qu’un chocolat torréfié. C’est la raison pour laquelle il choisit d’opter pour le chocolat cru, mêlant à la fois le goût du chocolat et les vertus du cacao, lui permettant d’avoir un produit sain et le moins transformé possible.

Afin de faire découvrir leurs produits et leur façon de travailler, mais aussi dans le but de mettre en avant l’agriculture biologique, Bitasyon Bio propose des visites gratuites de leur terrain agricole. Tous les ans, ils proposent aux intéressés une journée aide et découverte, durant laquelle les curieux sont invités à se rendre sur les lieux pour aider à la récolte. L’occasion également de profiter d’une dégustation de leurs divers produits et de se reconnecter avec la nature.

Texte Célia Mussard
Photos Franck Morel