Créé en 1991, le Jardin d’Eden fête cette année ses 30 ans. Situé à l’Ermitage, ce haut lieu écologique propose aux touristes et aux réunionnais une immersion dans une nature préservée et représentative de notre île et de son évolution. Né de la volonté d’un passionné, Philippe Kaufmant, le jardin développé sur une zone humide où n’étaient présents que des bambous et des cocotiers, s’est construit petit à petit, démontrant que la nature peut faire des miracles lorsqu’elle est respectée.

Bouillonnant d’imagination, le jeune Philippe est curieux de tout, épris d’idéal et d’aventure, poète à ses heures, et avec toute la fougue de sa jeunesse, il veut se donner les moyens de réaliser ses rêves. Il suit des études d’ingénieur agronome à Rennes et se spécialise ensuite en agronomie tropicale. A 24 ans, il est prêt à découvrir le monde !
C’est vers l’Afrique qu’il se sent attiré et sa vie professionnelle débute véritable- ment au Tchad, dans le cadre de la Coopération où il accomplit son service militaire comme VAT. Conjuguant travail dans les plantations de coton et découvertes le plus souvent aventureuses de la région, le bonheur de vivre sous les tropiques ne le quittera plus.
Il assurera pendant 10 ans la responsabilité de la zone Madagascar-Réunion-Maurice pour la firme suisse Ciba-Geigy, mettant à profit ses compétences agronomiques pour améliorer le rendement des cultures.

A la Réunion, il découvre un condensé de la flore admirée ici et là lors de ses périples tropicaux. Il est aussi séduit par la diversité ethnique qui peuple en harmonie cette petite île.
C’est là qu’il décide de poser définitivement ses bagages. En 1977, installé au Grand Tampon, il sélectionne les variétés de fraises les mieux adaptées à la région et les cultive à grande échelle. Puis, toujours dans un souci de créativité et de diversification, il produit des asperges, des melons, des pleurotes, toutes cultures qui ont fait sa réputation à la Réunion.

Il lui reste cependant un rêve à réaliser, celui qui lui tient le plus à cœur depuis des années, le plus imaginatif, le plus poétique. Il le concrétisera dans le Jardin d’Eden, lieu enchanteur qu’il lèguera à ses deux enfants et à tous les amoureux de la nature.

Il crée sa propre pépinière à la fin des années 1980 à partir d’espèces recueillies chez ses amis et en 1990 il s’attelle à modeler l’espace. Le Jardin d’Eden sera inauguré en 1991 et agrandit (jardin aquatique et alentours) en 1992 pour atteindre sa taille actuelle.

Le Jardin d’Eden est né d’une plaine sableuse et rocailleuse, où seuls quelques cocotiers et bambous se dressaient. Il fallait une bonne dose d’anticipation pour imaginer les futures scènes paysagères qui vous accueillent aujourd’hui !

Philippe KAUFMANT voulait pour sa part faire du Jardin d’Eden un jardin à la fois intime et touffu : le visiteur peut découvrir les scènes les unes après les autres (la fraîcheur des bambous, le pont infini au-dessus des joncs, l’éternité d’une fleur de lotus…), et peut facilement s’isoler (les bancs sont abrités des regards, sous l’ylang-ylang ou la liane de Mysore, dans le chemin caché derrière l’étang). Ce sont les principes des jardins à l’anglaise (par opposition aux jardins à la française, dont la perspective et les géométries se perçoivent d’un seul regard)

A travers le Jardin d’Eden, Philippe Kaufmant veut aussi donner un aperçu de la richesse botanique de l’île en opérant une sélection de plantes et d’arbres pour leur rareté, pour leur beauté mais aussi pour que l’héritage botanique légué par les différents flux de peuplement de ce petit pays ne soit pas oublié. Pour lui ce sera un jardin paysager ethnobotanique, qui parle de la relation de l’homme aux plantes : vous y trouverez des plantes sacrées, maléfiques, aphrodisiaques et anaphrodisiaques, des plantes médicinales, des plantes à manger, à humer, à tisser ou à teindre, des plantes à papier, à paniers, à charpentes, à pirogues, et à haies…

En 1689, le Marquis de Quesne publia à Amsterdam un recueil de « quelques mémoires servants d’instruction pour l’établissement dans l’Isle d’Eden » où il louait l’Ile Bourbon en l’appelant « le Jardin d’Eden ». De là, le nom de ce Jardin.

Après un dernier adieu à l’Afrique où il fait l’ascension du Kilimandjaro en compagnie d’amis botanistes, Philippe quittera ce monde le 19 février 1992, emportant pour l’éternité le spectacle de son dernier rêve réalisé. Le chant des oiseaux et le parfum des fleurs continueront encore longtemps à parler de lui.

Photos Pierre Marchal