Il était une fois dans le far west réunionnais, un cow-boy, un vrai. Un ancien vaqueiros qui a remis le pied à l’étrier pour proposer des balades à cheval dans la savane. Et faire partager sa passion de l’équitation western le temps d’un coucher de soleil. En selle avec Manou !
C’est une piste chaotique qui nous mène jusqu’à ShaiEna, le ranch qu’a monté Emmanuel Bougnoux, dit Manou,il y a une dizaine d’années. Perché sur son quad, il donne à boire à ses chevaux, qui paissent paisiblement à l’ombre des manguiers.
Nous nous dirigeons vers le cœur du ranch : une grande varangue bric-à-brac, avec les objets de sa vie. Le nounours de sa fille, le cheval à bascule de son fils, le bout du ski avec lequel il a passé son diplôme de moniteur, ses lassos d’Amérique du Sud… Chaque objet a son histoire. Manou s’empresse de finir de ranger la grande tablequi a accueilli la veille au soir un dîner western.
Un cowboy à sept vies
Manou est un grand type fringuant, sympathique et accueillant, modeste malgré le succès de son activité (pas moins d’un mois et demi d’attente pour une balade !).Il a imprimé une véritable une ambiance western à son ranch. Et pour cause : « vers 18 ou 20 ans, je suis partie en Colombie pour devenir vaqueiros [gardien de vaches, NDLR]. C’était en 1970 ou 1971, un peu après mai 68. Je n’ai pas eu le bac, j’avais envie de voyager mais je n’avais pas envie d’aller à Katmandou comme tout le monde. Et puis, mon amie Anne Mariage, qui organisait des randonnées équestres, allait faire sa première expédition en Colombie.Je voulais y être avant elle, et savoir parler espagnol et attraper une vache avant qu’elle arrive ! » sourit-il.
Manou y est resté un an, puis il est parti au Mexique comme responsable planche à voile au Club Méditerranée, a été moniteur d’équitation au Mexique et en Colombie, responsable de ranch, moniteur de ski en Suisse, responsable de pose dans une entreprise d’enseignes à grande hauteur à Lyon durant 10 ans, patron d’une société de travaux spéciaux sur falaises à La Réunion pendant 20 ans…
La passion des chevaux
« Ma vie a toujours été émaillée par les chevaux, déclare Manou. Ici, ça s’est créé assez bizarrement. A un moment de ma vie, j’ai fait de la planche à voile à assez haut niveau. Mon fils m’a demandé de l’emmener mais avec mon travail, le temps que je trouve le temps, il n’en n’avait plus envie.
Alors quand ma fille m’a demandé de monter à cheval, je n’ai pas hésité : j’ai acheté tout de suite son cheval et le mien. Au début on ne faisait que des balades avec ma fille ou des amis, puis petit à petit j’ai construit ce ranch. En faire mon activité professionnelle s’est fait naturellement, quand j’ai vendu ma société il y a une dizaine d’années ».
Aujourd’hui, « l’important, c’est que les chevaux soient bien,sans ça, je ne le ferais pas. Je ne les fais travailler que 2 h par jour car il fait trop chaud. Ils ne sont jamais au box, toujours en liberté ».Pour cela, Manou loue 4 ha de terrain : 1ha dédié aux chevaux et 3 ha de manguiers, où ils peuvent brouter à l’ombre. « Les chevaux sont bien dans leur peau car ils vivent en tribu, en harde, se réjouit-il ».
Et cela représente beaucoup de travail. Chaque jour Manou passe trois heures à s’occuper de ses chevaux : ramasser le crottin, les doucher, vérifier leurs pieds, leurs fers, les protéger des mouches, etc. « J’essaie de leur donner un peu de confort ».
Un air de far west
Un Quarter horse et quatre Appaloosa (et bientôt deux de plus) peuplent le ranch. « Ce sont des chevaux américains qui sont faciles à monter. En gros, les Appaloosas sont les chevaux des Indiens et les Quartershorsesceux de l’armée américaine. Je les ai choisi car ils savent habiter dans les pays chauds, ne sont pas trop fragiles et sont gentils, ce dont j’avais besoin pour les clients ».
Décidément, il flotte comme un air de far west ici… Porté aussi par le nom même du ranch : « ‘ShaiEna’, c’est l’étymologie du mot ‘Cheyenne’. Les Cheyenne sont des Indiens canadiens descendus dans les territoires sioux. Ils s’entendaient bien mais ne se comprenaient pas : ‘ShaiEna’ signifie ‘ceux qu’on ne comprend pas’en langue sioux » nous explique Manou, qui ne laisse rien au hasard.
Une envie de partager
Manou accueille toute l’année des Réunionnais, des Anglais, des Chinois, des Français en vacances… « Beaucoup de touristes », précise-t-il. Il propose quasiment chaque jour des balades pour deux, trois ou quatre personnes. « Ce sont plutôt les gens d’ici qui font des balades en couple, certains en profitent même pour faire leur demande en mariage ! Dans ce cas là, je m’éloigne un peu… » s’amuse notre cowboy.
Avec eux, il parcourt dans la savane un circuit d’environ 10 à 12 km, durant lesquels ses clients s’essaient au pas, au trot et, s’ils sont bons cavaliers, au galop. Car même les bons cavaliers viennent se balader ici, attirés qu’ils sont par cette ambiance western unique et authentique.
« Je prépare les chevaux dès 15 heures. Je donne rendez-vous aux clients à mon domicile entre 16 heures et 16h30 et je les amène au ranch en 4 × 4. Je commence toujours par une initiation en carrière de 15 à 30 mn, autant pour ceux qui ne savent pas monter que pour ceux qui montent en équitation traditionnelle. Car la monte western est différente. L’équitation traditionnelle est dérivée de l’armée et est un peu rigide. L’équitation western est une équitation de travail, simplifiée, plus naturelle, libérée de tas de gestes pas forcément utiles pour garder des vaches. Il y a aussi moins de problèmes d’équilibre car la selle a un pommeau, on est posé les pieds en avant, la position est plus stable. La selle est aussi beaucoup plus lourde (25 à 40 kg), mais c’est plus simple pour le cheval car elle bouge moins. C’est pour cela que j’impose une limite de poids. Certains sont déçus par cette limite mais tous finissent par comprendre : ici les chemins sont caillouteux, montent, descendent, et nous rentrons de nuit. Les chevaux risquent de faire un faux pas ».
C’est d’ailleurs comme ça que Manou a perdu le cheval de sa fille il y a 2 ou 3 ans : celui-ci portait un cavalier un peu lourd qui la fait reculer dans des pierres. Il s’est fracturé le tibia et Manou a été est obligé de l’euthanasier. « Affectivement, ça a été dur, pour ma fille et pour moi », lâche-t-il avec émotion.
Au départ du ranch, direction le viaduc de Saint-Paul par la savane, verdoyante en cette saison. Les cardinaux écarlates sont perchés sur les jeunes manguiers, comme autant de petits fruits rouges dans un océan de verdure. Ces arbres, pour la plupart, sont ceux que cultivent Manou pour se faire une petite monnaie. « Des mangues-carotte cultivées en bio pour ne pas exposer les chevaux aux pesticides, quelques bananiers et quelques agrumes car les chevaux ne les mangent pas » explique-t-il.
« Puis j’oblique vers l’océan pour une pause au coucher de soleil vers le rocher de la Marianne. On se désaltère, on discute, puis on retourne vers le ranch de nuit, entre 19 et 20 heures. Mais les clients ont vaincu leur appréhension de jour, à l’aller, et les chevaux voient bien la nuit ! » rassure Manou.
« En rentrant de balade, les cavaliers me donnent souvent un coup de main, ils participent aux soins des chevaux : ils les dessellent, les douchent s’ils ont trop chaud, et on leur donne à manger tous ensemble.Puis on s’installe sous la varangue, s’ils veulent prendre un apéritif. Ils me donnent ce qu’ils veulent. Cet argent me permet de créer une caisse pour la retraite des chevaux ».
Poor, lonesome cowboy
« Certains de mes chevaux ont 14 ou 15 ans, ils pourront travailler encore cinq ou six ans. Je ne veux pas les faire travailler trop longtemps, et quand ils seront vieux j’aurais moi-même plus de 70 ans ! J’espère pouvoir avoir assez d’argent pour garder ce terrain, pour leur retraite ». C’est aussi pour cette raison que Manou propose des « repas de ranch » (chili con carne au feu de bois, bavette de bœuf…) pour des groupes d’au moins 10 personnes.
Quand il pense à l’avenir, Manouse dit qu’il aimerait transmettre son activité à quelqu’un qui est dans le même état d’esprit, « quelqu’un de passionné, qui aime faire plaisir aux gens, pas quelqu’un qui cherche à tout prix la rentabilité ».
Contact :
shaiena@me.com
+262 6 92 88 70 00-
38 chemin de la vanille, 97434 St Gilles les bains
Balades à cheval,à réserver au moins un mois et demi à l’avance : 70 €/pers. pour 3 ou 4 personnes, 90 €/pers. pour 2 personnes.
Repas de ranch : entrée, plat, fromage, dessert et vin pour 40 à 50 €
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