De l’art et la manière de sublimer les lettres à travers des compositions étonnantes, portraits emblématiques, rapport à l’être subjectif. Interrogatif. Bienvenue dans le monde de Jeremy Beccu, dit Cube.

Diplômé d’une école de design parisienne, Jeremy Beccu a choisi de poser ses valises à la Réunion avec sa petite famille il y a six ans. Après la Corse et la Guyane, la Réunion s’est donc imposée comme un choix de vie évident. Graphiste indépendant, travaillant aussi bien pour des fanzines, en BD, pour diverses éditions, il manie aussi bien le crayonné, la peinture et le dessin sous toutes ses formes. L’évolution de son art le conduit alors vers la matière qu’il aime travailler. Et c’est en tant que plasticien qu’il concentre aujourd’hui depuis trois ans toute sa création et son univers sombre à l’énergie virevoltante et surprenante. Portraits énigmatiques, en trois dimensions, épousant le collage et la sérigraphie. Mariage détonant pour une rencontre hors du commun.

Amateur de typographie et cherchant à ajouter une matière nouvelle et une sémantique supplémentaire à ses œuvres, Cube a très tôt intégré des textes à ses peintures en juxtaposant des citations sur des portraits sérigraphiés. Petit à petit les textes se sont disloqués pour être partie intégrante du portrait et se fondre en imperfections subtilement maîtrisées.

« En terme de représentation graphique, j’ai toujours été attiré par le portrait en y intégrant des textes, des mots composés, des bouts de journaux sur la base de collages. Mais très vite, j’ai trouvé cela un peu impersonnel et je me suis orienté vers des compositions plus travaillées à partir de lettres uniquement. Je reproduisais des portraits d’artistes connus, de chanteurs dont j’extrayais des paroles que je déformais, maltraitais, torturais pour petit à petit en extraire des bouts de phrases, des mots » confie l’artiste.

Le choix d’imaginer des inconnus amène Jeremy Beccu à reconsidérer son approche du portrait sans chercher à s’approprier le charisme d’une personnalité. L’inconnu retrouve sa place tri dimensionnelle auréolée de mystère.

 

« Ma technique a évolué, pour aujourd’hui ne garder que les lettres que je dispose en fonction du volume de mes sujets pour faire ressortir les ombres et les lumières. Et entrer dans une autre dimension graphique. Je joue avec les couleurs du vinyle, avec la densité des lettres et de leur forme en fonction de la typographie (Times, Bold ou Regular). Sur des supports de bois, de plexi mais surtout sur du dibon qui m’apporte une finition et une résonance à part, qui me permet de jouer sur les transparences et les luminescences. Aujourd’hui j’évite la facilité en ne choisissant pas de représenter des personnages célèbres dont la personnalité aiderait à sa reconnaissance » avoue Cube.

L’artiste désarticule et réassemble pour révéler un sens graphique et non plus un sens linguistique, dans l’aspect global du visage mais également dans le détail des compositions. Les courbes des lettres se recoupent de manière parfaitement maitrisée. Si la forme des textes ne s’en trouve que légèrement modifiée, le fond présente une approche singulièrement nouvelle et une sémantique particulièrement novatrice.

« La lettre est la base de notre communication écrite et nous caractérise en tant qu’être civilisé, elle prend ici encore plus d’importance en devenant partie intégrante de nous même » conclue Cube.

Cube débarque à la Réunion en 2012 et se fait remarquer dès l’année suivante en participant à la seconde édition de Pimpmydeck. Au milieu de Jace et Gorg One (pour ne citer qu’eux), Cube présente ce qui sera la première œuvre d’une nouvelle série uniquement constituée de lettres en vinyle prédécoupées et posées une à une à la main. De cette exposition collective découle une collection de vêtements éditée par Untoy, aux cotés de Mégot ainsi que Kid Kréole et Boogie. Présent aux éditions suivantes de PimpmydeckCube grandit en notoriété lors des Electropicales 2014 et pendant le mois du design à la cité des arts en septembre 2016. Plusieurs expositions s’enchainent alors à travers les galeries de l’île. En 2018 Cube expose à Paris par 3 fois avant de revenir à la Réunion présenter une nouvelle série d’œuvres dans différents lieux.

Texte et photos Pierre MARCHAL